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Comment maintenir des formations Agile alors que le confinement nous a imposé de travailler à distance ? Comment provoquer des interactions autrement qu’avec des LEGO®, des balles et autres spaghetti ? Retourner à l’essence de la formation en présentiel nous a permis de maintenir l’ensemble de nos formations, tout en conservant l’expérimentation et la satisfaction des participants. Le succès repose sur la confiance du formateur.
Table
L’essence des jeux agiles
L’apprentissage par l’erreur dans une situation non-dramatique est un des ressorts essentiels de la formation.
Si l’agilité est facile à comprendre, elle est difficile à mettre en œuvre. Vivre les interactions en expérimentant avec son corps est essentiel pour inscrire le message chez la personne. En formation, on utilise donc de nombreux jeux pour illustrer et faire vivre certaines notions. En présentiel, ces jeux reposent souvent sur du matériel facilitant ces interactions : LEGO® (Lego4Scrum, birdie-birdie, …), spaghetti (Marshmallow challenge), papiers-feutres-ciseaux, balles, plateaux de jeux, pièces (Penny Game).
Le passage à distance rend tout cela particulièrement délicat. Comment faire alors pour maintenir l’aspect interactif de la pédagogie agile ?
Interactions à distance
Le confinement a démontré qu’on peut travailler à distance correctement. Depuis longtemps, les outils numériques permettaient des interactions à distance. Nombre d’équipes travaillaient déjà sur plusieurs sites. C’était d’autant plus vrai pour les développements Open Source.
Seulement on ne bénéficie pas de toute la palette des interactions humaines que nous offre la proximité. L’absence de contact nous limite fortement dans la perception de l’autre. Il manque le regard, le kinesthésique (incluant les gestes et le touché), et tous les autres sens liés à la perception de l’autre.
Il convient alors de mobiliser les acteurs différemment, tout en tenant compte de leurs contextes personnels (petits enfants, bruits, …).
Lorsqu’on veut interagir à plusieurs à distance, un facteur majeur est la confiance : confiance dans sa propre maîtrise des outils numériques, confiance dans le processus de l’interaction (réunion, formation, …), confiance dans l’animateur de ce processus, confiance dans les autres participants à interagir selon les besoins de l’objectif.
En formation, cette confiance repose largement sur le formateur[1]. C’est à lui d’être suffisamment à l’aise non seulement avec le sujet mais aussi avec les outils numériques. C’est à lui d’instaurer aux stagiaires la confiance dans les outils à manipuler. Ce faisant, il crée aussi la confiance dans le déroulé de la formation (processus). C’est aussi à lui de veiller à ce que les stagiaires soient toujours ‘présents’, attentifs et confiants les uns vis-à-vis des autres.
En présentiel, l’animateur veille à tout cela en utilisant tous les sens que la nature a mis à sa disposition. A distance, il n’utilise que ses oreilles et doit recourir à d’autres artifices.
E-learning ou formation à distance
Pourquoi maintenir des formations alors que de nombreux supports existent en e-learning ?
Derrière l’e-learning se cache souvent l’auto-apprentissage. La technologie permet bien à chacun de se former à son rythme (convenance des horaires, répétition de séquences, …). Cela se limite souvent à la lecture de documents (l’ancienne école n’est jamais loin) ou à regarder des vidéos. Au mieux, le support vidéo permet d’illustrer les propos par des animations. Malheureusement, de nombreuses vidéos d’e-learning se limitent au discours statique avec au mieux une conférence ou une interview.
Les solutions existantes d’e-learning sont surtout orientées vers la transmission de connaissances et non vers l’expérimentation.
Dans le meilleur des cas, l’ancrage est fait au moyen d’un questionnaire de vérification.
Contrairement à l’e-learning, la formation à distance permet l’interaction entre les stagiaires et ainsi de vivre une expérience.
Apporter des réponses immédiates aux questions et expérimenter des situations sont les principales différences des sessions de formations avec l’e-learning.
Chez Renault, nous avons adapté tous ces principes habituels de la formation en présentiel à la contrainte de la distance.
Mise en œuvre chez Renault
Voici comment nous avons adapter notre programme de formation Agile au sein du groupe Renault. Ces mises en œuvre complètent les recommandations spécifiques au travail à distance : capacité à s’isoler, une bonne connexion internet, un système audio de qualité suffisante, partage de l’écran du présentateur, …
Logistique de formation
Le passage à distance demande au formateur de prendre contact avec les participants quelques jours avant pour leur fixer l’invitation (réunion Teams en l’occurrence) et les préparer aux outils numériques à utiliser en cours (Whiteboard, Klaxoon, …). Les formateurs du pôle Agile de Renault avaient déjà initié cette pratique en envoyant à l’avance quelques e-learning vidéo à regarder en amont en guise de préparation.
Autre point délicat dans un grand groupe comme Renault : la gestion des feuilles de présence. Dès la première semaine de confinement, le service formation de Renault a validé le principe de capture de la liste des présents comme feuille de présence. Cela demande au formateur de penser en cours de séance à faire cette capture d’écran de la liste des présents à la réunion. Astuce : il peut le faire pendant la pause.
Règles de bienséances
En général, en présentiel, on demande à chacun de ranger son téléphone portable et de ne pas ouvrir son PC pendant la formation. Comment adapter cette règle au distanciel alors que justement le moyen de communication est justement l’ordinateur ?
Rien n’empêche de demander à fermer l’application de mail (ou bien de couper la connexion). Cela limite les distractions induites par l’arrivée des mails
La caméra peut être utilisée en début de séance pour faire connaissance. La couper ensuite pour limiter la bande passante.
Rythme
Dans un premier temps, nous avons conservé un rythme classique de formation : une pause de 15 minutes au cours de chaque demi-journée. En présentiel, cette pause ‘toilette/cigarette’ permet de nombreux échanges informels. A distance, chacun peut aller vérifier le travail des enfants, lancer le repas, … et surtout s’oxygéner. La posture assise derrière son écran n’est pas la meilleure pour faciliter l’apprentissage (déjà découvert par Maria Montessori). Il appartient au formateur de recommander quelques mouvements pour oxygéner le cerveau.
Dans un second temps, l’essentiel du Groupe Renault est passé en travail partiel avec fin des activités à 13h. Nous avons dû réadapter nos sessions à nouveau : soit contracter sur une journée en se concentrant sur l’essentiel (priorisation par la valeur), soit convenir avec les stagiaires d’une seconde demi-journée.
Utilisation des outils numériques existants
De nombreux outils existent pour le multi-site. Beaucoup se synchronisent sur tous les postes en même temps, ce qui limite le mode partage d’écran. Par exemple, on peut utiliser une des nombreuses estimations de poker planning en ligne pour introduire le Delegation Poker.
Conserver l’unité de lieu facilite aussi. Ainsi, il est préférable de n’utiliser qu’un seul outil (Teams, Klaxoon) pour toutes les activités. L’un comme l’autre permettent des séquences et de poser régulièrement des questions (outil Forms pour Teams) pour consolider les acquis.
Virtualisation des jeux existants
Certains jeux se virtualisent très bien. La plateforme boiteajeux.net le montre très bien pour de nombreux de plateaux.
Ainsi de nombreux jeux à base de représentation visuelles (texte, images) se transfèrent très bien sur un tableau blanc virtuel. Nous avions déjà quelques exercices ‘papier’ (mur d’images pour qualifier l’agilité, manifeste à trous, correspondance nom-définition des rôles, des événements et des artefacts Scrum) qu’il a suffi de rendre virtuel sur un tableau blanc.
Virtualisation de GetKanban V2
Pour le jeu LEGO4Scrum qui permet de très bien simuler des itérations courtes, nous avons remplacé les LEGO® par du dessin sur une page blanche (MS Whiteboard, Klaxoon, Powerpoint). Chez Renault, c’est d’autant plus facile que la plupart des PC ont un écran tactile.
LEG04Scrum passé en mode dessin avec un Backlog adapté à Renault
Simulation d’équipes avec des tables virtuelles
Une des forces de l’agilité repose sur la décision d’équipe. En présentiel, on crée des tables pour simuler les équipes professionnelles. A distance, nous avons créé des salons virtuels (autres liens de réunion Teams) pour reproduire ces tables. Si les débuts sont un peu chaotiques (il faut éviter de perdre des stagiaires qui ne seraient plus connectés), nous avons eu jusqu’à 4 équipes de 5 personnes travaillant en parallèle dans des environnements différents et assemblant leurs travaux ensemble dans un environnement commun. Simulation d’agilité à l’échelle similaire au présentiel : mêmes chausse-trappes qu’en présentiel avec les LEGO®.
Le formateur peut passer d’une ‘table’ à l’autre en changeant virtuellement de réunion. C’est comme cela qu’il demande à tous de revenir dans la ‘grande salle’.
Utilisation d’un second écran
Pour le formateur, le second écran lui permet d’afficher les notes de formation (mode présentateur de Powerpoint) et ainsi de simplifier le suivi du programme de la formation. Cela permet aussi de surveiller ce qui se passe dans la ‘salle’ : chat, main levée pour demander la parole, …
Limitations et Leçons tirées
Il existe de nombreux outils facilitant l’interaction. Nous n’avons testé que ceux autorisés chez Renault : MS Teams, MS Whiteboard, MS Powerpoint en mode Sharepoint partagé, Klaxoon.
Certains formateurs sous Mac n’ont pu bénéficier de MS Whiteboard car la version Web accessible sur ces plateformes se limite au dessin (4 couleurs, 1 gomme) et n’offre pas l’étendue des possibilités : notes, manipulation d’images, template d’animation (rétrospective, …). Ils explorent donc d’autres solutions comme Mural ou Miro.
Tous ne sont pas aussi à l’aise avec les outils numériques. Il en va des stagiaires comme des formateurs. Il convient de prendre un petit temps d’apprentissage des manipulations de base en début de séance. C’est une façon de créer de l’empathie au sein du groupe.
Beaucoup de responsabilités reposent sur les épaules du formateur durant la séance. Animer la formation à deux permet de répartir les activités. L’un gère la logistique et le chat tandis que l’autre anime la formation. Ils peuvent permuter à chaque séquence.
Réduire le temps de formation conduit à utiliser l’e-learning en amont de la session pour le passage de connaissances. La session est ainsi davantage dédiée à la pratique et aux interactions entre les stagiaires.
Même après la fin du confinement et des contraintes des gestes barrière, nous conserverons des sessions à distance pour permettre l’accès à des personnes éloignées : province, international.
Nous envisageons aussi de tester des formations en segment : des sessions de 2h toutes les semaines entrecoupées de préparations personnelles comme pour un MOOC.
Conclusion
Une formation agile est renforcée si le formateur est congruent avec les valeurs de l’agilité. Le confinement a été une belle occasion de faire preuve d’agilité. Il a fallu s’adapter aux circonstances (confinement puis passage à temps partiel). Nous avons repositionné l’intention réelle de nos formations pour y répondre selon les moyens disponibles. Nous avons pratiqué le Test&Learn en validant très vite la possibilité de maintenir des formations à distance, puis en essayant des outils et des pratiques. L’amélioration continue et le partage entre les formateurs de nos pratiques reste la règle.
Merci à Samir BADJI, Laure Déneux, Sylvie Barbère, Nicolas Marçal, Stéphane Guedon, Cédric Charamond d’avoir formé tant de monde.
[1] Le français généralise le masculin et le féminin en utilisant le masculin. Ainsi, même si le masculin est utilisé pour caractériser un formateur ou une formatrice, la suite reconnait les contributions des femmes tout autant que celles des hommes qui donnent des formations.